Les négociations en trilogue du dispositif européen de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne sont en cours et peuvent aboutir, entre autres, à l’obligation de mettre en place des filtres de téléchargement.
Lors de plusieurs réunions à huis clos, le Parlement européen et le Conseil (représentant les gouvernements des États membres) élaboreront un texte final acceptable pour les deux institutions. Ce sera la dernière possibilité d’apporter des modifications avant l’adoption du règlement. Les réunions ont commencé en octobre.
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État des lieux
Examinons de près les similitudes et les différences les plus discutées des positions de la Commission et du Parlement, et analysons en détail ce qu’elles impliqueraient concrètement:
Ce que souhaitent le Conseil et la Commission
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Ce que souhaite le Parlement
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Implications concrètes
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- Les contenus à caractère terroriste sont supprimés non seulement par les plateformes qui mettent les téléchargements des utilisateurs à la disposition du grand public, mais aussi par les services de communications électroniques (proposition de la Commission) et les services d’informatique en nuage.
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- Les contenus à caractère terroriste sont supprimés uniquement par les plateformes qui mettent les téléchargements des utilisateurs à la disposition du grand public.
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Les communications et mémoires-fichiers privés de tout un chacun, souvent chiffrés intégralement jusqu’à présent, pourraient être passés au crible et supprimés. Il en irait de même pour les communications privées dans des groupes d’utilisateurs fermés.
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- Les fournisseurs de services d’hébergement suppriment le contenu dans un délai d’une heure suivant la réception d’une injonction de suppression.
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- Les fournisseurs de services d’hébergement suppriment le contenu dans un délai d’une heure suivant la réception d’une injonction de suppression sauf en cas d’«impossibilité de fait non imputable au prestataire de services d’hébergement, notamment pour des raisons techniques ou opérationnelles»; préavis de 12 heures pour la première injonction.
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Les particuliers ou les entités de taille modeste peuvent décider de mettre fin aux services et aux plateformes plutôt que de se tenir prêts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à répondre dans l’heure à une injonction de suppression qui ne sera jamais émise, car plus de 99 % des plateformes ne sont jamais visées par la propagande terroriste.
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- La suppression de contenus à caractère terroriste peut être demandée même si les contenus sont diffusés à des fins pédagogiques, artistiques, journalistiques ou de recherche, ou à des fins de sensibilisation contre des activités à caractère terroriste.
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- Protection et préservation des contenus diffusés à des fins pédagogiques, artistiques, journalistiques ou de recherche, ou à des fins de sensibilisation contre des activités à caractère terroriste.
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Les reportages des médias sur les attaques terroristes seront susceptibles d’être supprimés si la proposition de la Commission est adoptée. Les archives vidéo qui documentent les crimes de guerre, par exemple en Syrie, disparaîtront en partie, ce qui conduira à l’impunité des auteurs. Dans le passé, l’Espagne a poursuivi des artistes pour des spectacles satiriques; les enregistrements de ces spectacles pourraient donc être supprimés à l’avenir.
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- Les États membres peuvent décider librement de l’autorité qui pourra ordonner les suppressions de contenus.
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- Seule une autorité judiciaire ou administrative fonctionnant de manière indépendante pourra ordonner une suppression de contenus.
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En cas d’absence de toute obligation d’indépendance, des ministres pourront ordonner directement la suppression du contenu pour des raisons politiques.
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- Les autorités des États membres peuvent demander à des fournisseurs de services d’hébergement de bloquer des contenus partout dans l’UE (proposition de la Commission).
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- Les autorités des États membres peuvent demander à des fournisseurs de services d’hébergement situés dans leur propre pays de retirer des contenus et demander à l’État membre d’établissement de prendre une mesure de suppression supplémentaire à l’échelle de l’UE.
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Si la méthode préconisée par la Commission est adoptée, le contenu recherché sera susceptible d’avoir été retiré à la suite d’injonctions émises par des États membres dirigés par des gouvernements populistes ou autoritaires. Par exemple, il a été constaté dans le passé que la Hongrie et la Pologne ne respectaient pas la primauté du droit. Il a également été signalé que la France demande de manière abusive des suppressions de contenus.
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- Les autorités de l’UE peuvent ordonner la suppression de contenus ayant une portée mondiale (par exemple, ordonner à un fournisseur américain de supprimer des contenus ayant des conséquences pour les citoyens américains).
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- Les fournisseurs de services peuvent satisfaire aux mesures de suppression en désactivant l’accès au contenu «dans tous les États membres» (de l’UE), sans devoir supprimer le contenu purement et simplement.
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La suppression de contenus à l’échelle mondiale pourrait amener d’autres États comme la Turquie, la Russie, l’Arabie saoudite ou la Chine à exiger la suppression de contenus qui, en Europe, sont parfaitement légaux et légitimes.
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- Les fournisseurs de services d’hébergement décident en priorité de supprimer ou non un contenu lorsqu’ils reçoivent de la part d’une autorité policière nationale un «signalement» pour examen.
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- Les autorités nationales émettent une injonction de suppression dans le cadre d’une procédure régulière ou ne prennent aucune mesure (pas de signalement).
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Un signalement entraînerait la suppression de contenus parfaitement légaux qui ne feraient qu’enfreindre des règles arbitraires fixées par un fournisseur de services d’hébergement privé.
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- Les fournisseurs de services d’hébergement doivent utiliser des filtres de téléchargement automatisés pour repérer et bloquer les contenus présentant un caractère terroriste présumé.
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- Les fournisseurs de services d’hébergement ne sont pas tenus d’utiliser des filtres de téléchargement automatisés ou de surveiller leurs plateformes de manière générale.
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Les filtres de téléchargement automatisés sont des outils de censure dont il a été prouvé qu’ils suppriment des contenus tout à fait légaux (par exemple, des documents sur les violations des droits de l’homme durant une guerre civile). Même un filtre affichant un taux de précision extrêmement élevé, proche de 99 %, supprimerait plus de contenus légaux que de contenus illégaux, car les éléments à caractère terroriste sont extrêmement rares par rapport au nombre total de téléchargements.
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Conséquences des injonctions de suppression
Ma principale préoccupation concernant le texte voté par le Parlement reste le «délai de suppression d’une heure». De nombreux opérateurs n’ont pas les ressources nécessaires pour bloquer un contenu dans un délai d’une heure suivant la réception d’une injonction (y compris la nuit). Nous ne souhaitons pas qu’internet soit interrompu. Pour le reste, il s’agira, au cours du trilogue, de défendre les amendements du Parlement visant à protéger la liberté d’expression en ligne. La Commission ne s’est pas jusqu’à présent montrée disposée à accepter les changements demandés par le Parlement.
Malgré les améliorations apportées par le Parlement européen, je doute toujours profondément que ce règlement permette de combattre efficacement le terrorisme. Même si des contenus à caractère terroriste sont effectivement à l’origine d’actes terroristes (ce qui est discutable), il est très facile de contourner les mesures de «suppression» de contenus. On peut supposer que les plateformes classiques appliquent des techniques simples de géolocalisation lorsqu’elles reçoivent des injonctions de blocage. Elles ne seront pas tenues par le règlement de supprimer effectivement les «contenus à caractère terroriste» mais seulement de les bloquer pour les utilisateurs dans l’UE. Il sera techniquement facile de contourner ce géoblocage, par exemple en recourant à des serveurs mandataires étrangers. En outre, les groupes terroristes délaissent de plus en plus les plateformes classiques et utilisent des canaux de communication privés cryptés ou des plateformes parallèles qui n’honoreront pas les injonctions de suppression européennes. Ce règlement ne permettra guère d’endiguer la propagation de la propagande à caractère terroriste
Calendrier
Calendrier des négociations en trilogue:
- Premier trilogue : 17/10/2019
- Réunion technique : 4-6/11/2019
- Réunion technique : 11/11/2019
- Deuxième trilogue : 20/11/2019
- Réunion technique : 21-22/11/2019
- Réunion technique : 5/12/2019
- Réunion technique : 09/12/2019
- Troisième trilogue : 12/12/2019
- Réunion interne : 22/01/2020
- Réunion technique : 23/01/2020
- Réunion interne : 30/01/2020
- Réunion technique : 03/02/2020
- Réunion des ombres : 11/02/2020
- Réunion interne : 17/02/2020
- Réunion technique : 18/02/2020
- Réunion des ombres : 19/02/2020
- Réunion technique : 03/03/2020
- Réunion des ombres : 16/03/2020
- Quatrième trilogue : 18/03/2020
Négociateurs
Le Parlement sera représenté dans les trilogues par les membres ci-après de la commission des libertés civiles:
Rapporteur: JAKI Patryk (ECR)
Rapporteurs fictifs: ZARZALEJOS Javier (PPE), KALJURAND Marina (S&D), ERNST Cornelia (GUE/NGL), PAGAZAURTUNDÚA Maite (Renew), BREYER Patrick (Verts/ALE)
La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) sera représentée par le rapporteur pour avis KOLAJA Marcel (Verts/ALE), et la commission de la culture et de l’éducation (CULT) par la rapporteure pour avis WARD Julie (S&D).
Documents
Ci-après quelques documents utiles sur la procédure en cours.
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Proposition de la Commission européenne
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Analyse d’impact de la Commission européenne
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Orientation générale du Conseil
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Mandat du Parlement
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Comparaison des deux textes (du Parlement et de la Commission) par le Conseil
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Banque de documents de l’EDRi
Updated information
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